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Gouvernorat de Kinshasa : qui pour faire avancer la capitale et relever le poids de ses défis ? (Tribune d’Oasis Kodila) Gouvernorat de Kinshasa : qui pour faire avancer la capitale et relever le poids de ses défis ? (Tribune d’Oasis Kodila)

2024-03-26 12:50:35

Les candidats entrent en danse pour prétendre diriger la plus grande ville de la RDC, à savoir Kinshasa. Après les échecs patents, particulièrement de ces deux dernières décennies, cette ville mérite mieux et aspire à des jours meilleurs. Quoi de plus légitime. Pour autant, il n'est pas certain que les candidats qui s'alignent, dans la majorité, seront à même de relever un tel challenge. Malheureusement, la tradition a visiblement la vie dure : on prétend connaitre le problème sans en mesurer l'étendue. On prétend connaitre le problème, sans présenter les solutions. Pour notre propos, restons sur les problèmes et leurs étendues. Economiquement, Kinshasa approche les 21 % du PIB de la RDC, soit donc approximativement 12 milliards USD en 2022, toute proportion gardée. En raison notamment de sa position administrative et historique, cette ville concentre la plus grande densité économique du pays : plus de 100 million d’USD de PIB par 10 km². Sa dynamique économique, avec une taille de marché de plus de 16 millions de personnes, est remarquable : le taux de croissance économique moyen a été de 6,16 pour la période allant de 2007 à 2018 si on considère les informations du dernier cadrage macroéconomique partagé. Elle est la plus avancée économiquement : dans un pays où l'incidence de la pauvreté se situe à 74,7 % au niveau national au seuil international de 1,9 USD par jour (les nouvelles estimations au nouveau seuil de 2,15 USD n'étant pas encore rendues publiques), Kinshasa a le plus faible taux de pauvreté du pays avec ses 36,3 %. Le PIB par habitant est de plus de 1000 USD, soit quasiment le double de celui d'un congolais moyen (653 USD en 2022 selon le World developement indicators de la Banque mondiale). Nonobstant ces acquis, les kinois sont loin d'être parfaitement heureux. La proportion de Kinois qui s'estiment malheureux est de 39,5%, selon les données de la dernière enquête MICS-Palu. Le score de satisfaction à la vie est de 5,45 sur 10, alors qu'il est de 6,2 au Kongo central, la meilleure performance du pays. Un tel niveau s'explique aisément. Déjà, les inégalités sont criantes dans cette ville. L'indice de Gini – qui mesure les inégalités selon que la valeur de 0 traduit l’égalité de revenu pour tout le monde et est égal à un si une seule personne possède tous les revenus – est de 0,451, soit la quatrième province la plus inégalitaire de la RDC. Haut-Katanga étant la première avec un indice de 0,584. Cette ville en sus offre moins de perspectives : le pourcentage de kinois de 15-49 ans qui pensent que leur vie s’est améliorée au cours de la dernière année et s’améliorera après un an est, selon l'enquête MICS-Palu, de 45 %. Le marché du travail de la ville y est pour beaucoup. Au sens du BIT, selon les données nationales de l'enquête EGI-ODD, le taux de chômage dans cette ville est 2,7 fois plus élevé que le chômage national. La mesure composite de la sous-utilisation de la main œuvre en % est de 46,4 contre 29,7 % pour tout le pays. C'est la deuxième mauvaise performance provinciale du pays, juste après la province de Lualaba (55,5 %). La durée moyenne de chômage en années est de 1,3. Dans ce marché du travail, à peine 26,7 % des femmes sont en emploi. Kinshasa est une ville qui n’inspire pas confiance en termes de sécurité. Selon MICS-Palu, le pourcentage de Kinois qui se sentent en sécurité en marchant seuls dans leur quartier après la tombée de la nuit est 51,9 %. Evidemment, ceci se comprend dans un environnement où les phénomènes Kulana et enfants de la rue (Shegué), et maintenant familles dans la rue, n'ont cessé de prendre de l'ampleur. Cette insécurité est un facteur de stress énorme dès lors qu'on intègre dans l'équation l'embouteillage, dont les raisons ont été documentées dans une chronique précédente et les conséquences établies. En effet, les Kinois lambda doivent se réveiller tôt pour espérer attraper un taxi ou fuir les embouteillages, ils sont contraints de rentrer tard à cause de la congestion de la ville. On ne peut être étonné que cette province soit celle qui héberge le plus des consultations pour l'hypertension après le Kongo central, selon le Rapport annuel de 2020 du secteur de la santé publié en 2021 par le Ministère de la Santé publique. Malgré son espérance de vie à la naissance élevée (64,6 ans) – la deuxième du pays après Kongo central (67,7 ans) – étant donné qu’elle est entre autres le centre du pays en termes d’infrastructures sanitaires, il n’en demeure pas moins que l'espérance de vie ajustée sur la santé devrait être nettement écorchée par autant de problèmes. Au-delà des embouteillages, du stress,… Kinshasa est un dépotoir. On lit dans le Rapport national sur la mise en œuvre des ODD en RDC de 2022 que plus ou moins 7 000 tonnes de déchets seraient produites chaque jour dans la ville de Kinshasa. Annuellement, Kinshasa produit plus 2,6 millions de tonnes de déchets, très loin devant les autres capitales africaines. Pourtant, seul 10 % des déchets sont traités dans des dépotoirs à ciel ouvert. Ce faible taux de collecte et de traitement, avec une quasi-absence de stations de transit ou décharges contrôlées, Kinshasa se trouve dans un état d’insalubrité aiguë. En plus, selon l'enquête EGI-ODD, 87 % de la population kinoise vivent dans des quartiers de taudis, des implantations sauvages ou des logements inadéquats. Kinshasa présente également une mauvaise image de la qualité des institutions. Vu sous la perspective courante, les théâtres récents entre l'Assemblée provinciale et l'exécutif de la ville sont éloquents pour traduire le malaise de la ville. Economiquement, les mesures de la mise à l'index de la ville de Kinshasa en 2021 ou 2023 par la Banque centrale suggèrent la perte de crédibilité de l'exécutif. Les indicateurs du climat des affaires de la Cellule Climat des affaires de la Présidence confirment la mauvaise situation de Kinshasa : au sujet du pilier environnement des affaires, la province n'a que la note de 34 sur 100. De telles institutions ne peuvent guère guérir le malade kinois – personnification de la ville. La liste des problèmes est longue comme le bras. Seul un sérieux à toute épreuve, doté d’une intelligence fine peut faire avancer l’Agenda Kinshasa. Pour l’heure, les affiches circulent plus vite que les idées. Et les Kinois continuent de porter le poids de leurs problèmes. L’impatience finira par pointer la tête. *Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives. Avec congo-press.com

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